Nudge en pédagogie : les sciences comportementales au service de l’apprentissage (1/2)

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Quel est le point commun entre le don d’organe par défaut, les « cendriers-songage » ou encore les messages d’encouragement dans des escaliers à rallonge ? Ce sont tous des nudges, ils orientent en douceur nos comportements dans notre propre intérêt ! Et si on appliquait les nudges à la pédagogie pour inciter à mieux apprendre ? Pour analyser au mieux l’apport des nudges à la pédagogie, nous vous proposons une étude en deux volets :

  • un premier article consacré à la définition du nudge et une synthèse de la recherche portant sur les applications en pédagogie,
  • un second article détaillant les applications possibles des nudges au domaine du digital learning.

Vous avez dit nudge ?

Le nudge ou « coup de pouce » en français a été popularisé par le best-seller de Thaler et Sunstein (2008). Située à la frontière de l’économie et de la psychologie comportementale, le principe de cette technique est d’influencer nos comportements dans notre propre intérêt. En effet, le concept s’appuie sur le fait que les individus ont une rationalité limitée et des biais comportementaux qui les empêchent de prendre les meilleures décisions (individuellement et collectivement). Avec les nudges, l’idée est donc de « jouer » avec ces biais comportementaux pour encourager les meilleures décisions.

En pratique :

  • On modifie subtilement l’environnement de la décision dans le but d’orienter ou de faciliter la prise d’une « bonne » décision.
  • Sans modifier les incitations matérielles, ni contraindre les individus.

Des exemples concrets par domaine d’application

Le nudge est un nouvel instrument efficace, peu coûteux et accepté par la population, aussi, les domaines d’application sont nombreux :

  • Écologie – encourager les gens à trier leurs déchets, réduire leur consommation d’énergie, etc.
  • Santé – encourager les gens à manger plus sainement, à faire de l’exercice, à se faire dépister/vacciner, respecter les mesures sanitaires, etc.
  • Social & politique – encourager les gens à voter, diminuer les discriminations, etc.
  • Pédagogie – encourager les apprenant ·e·s à s’impliquer et persévérer dans leurs formations.

La mécanique des nudges

Pour bien comprendre les nudges, voici des exemples concrets utilisant des mécaniques différentes, cela nous servira ensuite à analyser des applications adaptées à la pédagogie :

tableau des types de nudges

nudge example toilets
Sticker de mouche dans un urinoir à l’aéroport d’Amsterdam – cette action a permis de réduire de 80% les dépenses de nettoyage dans les toilettes des hommes.

stairs calories nudge exampleMessage affichant les calories perdues par marche montée dans un escalier d’une école thaïlandaise.

Les nudges en pédagogie

Un intérêt nouveau

Depuis quelques années, les recherches et actions sur l’application des nudges dans l’éducation se sont multipliées. L’éventail des projets est varié et concerne aussi bien la petite enfance que la formation professionnelle avec un objectif commun : inciter à un apprentissage vertueux sans contraindre et sans forcer. Les actions vont ainsi porter sur une incitation des apprenant·e·s à :

  • être plus assidu·e·
  • persévérer
  • être ambitieux·se
  • respecter les règles
  • etc.

Des recherches concluantes

Voici quelques travaux de recherche concluants montrant les bénéfices des nudges appliqués à l’éducation :

  • Un service de suivi des enfants proposé par défaut aux parents : Bergman et Rogers (2017) ont testé l’influence de proposer par défaut ou non un service de SMS informant les parents des performances et de l’assiduité de leurs enfants (collégien·ne & lycéen·ne). Seuls 7,8% des parents font le choix volontaire d’adopter ce service lorsqu’il n’est pas proposé par défaut, alors que 96,5% acceptent d’adopter le service si on leur propose par défaut, augmentant ainsi les notes et l’assiduité des enfants.
  • Laisser les étudiants fixer leurs objectifs : demander aux étudiants de se fixer un but en début d’année (en termes de tâche ou de performance à l’examen) augmente la quantité de travail, l’effort et les résultats aux examens (van Lent et Souverijn, 2017 ; Clark et al., 2017). Ces effets sont renforcés par la matérialisation d’un engagement et l’utilisation d’outils aidant les étudiants à s’y tenir (par exemple leur donner la possibilité d’installer des bloqueurs de site « distracteurs » que les étudiants peuvent désactiver s’ils le souhaitent).
  • Des messages de rappel pour les inscriptions universitaires : aux États-Unis, pour inciter les étudiants du secondaire à poursuivre vers des études supérieures, des messages automatiques ont été envoyés aux lycéen·ne·s fraîchement diplômé·e·s leur rappelant de s’inscrire à l’Université (avec précision des deadlines et formalités à accomplir). Cela a permis d’augmenter le taux d’inscription, en particulier, pour les étudiant·e·s les plus défavorisé·e·s qui n’ont pas de plan de carrière défini et sont peu aidés et conseillés dans leur choix d’études (Castleman & Page, 2015).

Des nudges oui, mais avec parcimonie !

Les nudges doivent cependant être utilisés avec parcimonie, avec dans certains cas, des effets nuls voire contre productifs.

Tout d’abord, de nombreuses études n’ont pas réussi à obtenir d’effets positifs. En effet, les nudges sont particulièrement peu efficaces lorsqu’ils s’agit de modifier un comportement profondément ancré ou un processus de décision « rationnel » très conscientisé. Par exemple, les nudges ayant tenté de pousser les élèves vers les études supérieures en montrant les futurs bénéfices financiers potentiels se sont avérés inefficaces dans les pays développés mais ont eu des effets positifs dans certains pays en voie de développement, surtout si ces informations sont communiquées à un jeune âge.

En outre, les nudges peuvent parfois avoir des effets contraires à ceux désirés. Par exemple, Wagner (2017) a testé une présentation non conventionnelle d’un barème de QCM en le traduisant en termes de points perdus par rapport à la note maximale, plutôt qu’en termes de points gagnés par rapport à la note minimale. Cette présentation augmentait la prise de risque des étudiant·e·s durant l’examen, ce qui a permis d’augmenter les résultats des meilleurs étudiants mais a en revanche diminué ceux des étudiant·e·s en difficulté.

Également, les nudges de comparaison sociale (par exemple communiquer publiquement les notes des étudiant·e·s, ou comparer la note des étudiant·e·s par rapport à une moyenne ou une note) doivent être fait avec parcimonie, la comparaison sociale pouvant, dans certains cas :

  • réduire les résultats des étudiant·e·s les plus performant·e·s (qui minimisent les efforts pour se rapprocher de la norme)
  • réduire les résultats des étudiant·e·s les moins performant·e·s qui peuvent être découragé·e·s par une norme trop élevée jugée irréaliste.

Ainsi, les résultats récents suggèrent qu’il est préférable de communiquer des informations sur le comportement des autres (efforts fournis) plutôt que sur leurs performances.

Les nudges efficaces

Globalement, les nudges ayant eu le plus d’effets positifs sont ceux qui jouent sur l’identité et l’appartenance sociale. Ces interventions ont pour but d’augmenter la confiance des apprenant·e·s en leurs capacités afin de les désinhiber.

  • Rassurer les apprenant·e·s en début de parcours par les notes : Wilson et Linville (1982) ont informé des étudiant·e·s de première année à l’Université que les notes augmentaient en général les années suivantes. Cette information a eu pour effet de réduire le taux d’abandon en première année et d’augmenter les notes des étudiant·e·s.
  • Rassurer les apprenant·e·s en début de parcours par un partage de profil : Walton et Cohen (2011) ont décrit à des étudiant·e·s fraîchement arrivé·e·s les profils d’étudiant·e·s ayant eu des difficultés en première année et évoquant le fait que beaucoup s’en sortent bien par la suite. Ce type de nudge, favorisant l’affirmation des étudiant·e·s, est particulièrement efficace pour les plus défavorisé·e·s et les minorités.

Maintenant que le concept de nudge n’a plus de secret pour vous, nous nous donnons rendez-vous au prochain article pour un focus sur l’utilisation des nudges en digital learning.

 

Le SkyLAB de juin comme si vous y étiez : l’IA au service de la création de formation !

Le SkyLAB de juin comme si vous y étiez : l’IA au service de la création de formation !

Pour le Parlement européen, l’intelligence artificielle représente tout outil utilisé par une machine afin de « reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité ». Les domaines de l’IA sont vastes : machine learning, deep learning, traitement du langage naturel, vision par ordinateur, etc.
Pour ce SkyLAB, nous avons exploré l’IA générative qui est une branche de l’intelligence artificielle se concentrant sur la création de nouveaux contenus, qu’il s’agisse de texte, d’images, de musique ou d’autres types de données, en utilisant des modèles d’apprentissage automatique.